COMMENT DÉTERMINE-T-ON LE NOM DES OURAGANS?

Sacha entre en courant et claque violemment la porte de la cuisine. Dehors, le vent violent secoue sans ménagement les grands tilleuls de la cour. La balançoire suspendue à une branche maîtresse de l'arbre vénérable est battue de manière désordonnée par le vent d'ouest qui souffle en rafales.

Le nez à présent collé au carreau, Sacha observe la tempête qui menace. De gros nuages noirs s'amoncellent à l'horizon et défilent à toute allure au-dessus du jardin. Les branches des grands arbres centenaires s'entrechoquent dans de sinistres craquements. L'herbe longue se couche, comme pour se protéger des intempéries.

Sacha est tout seul à la maison. Inquiet, il attend patiemment le retour de ses parents. Il allume la radio qui annonce le passage de l'ouragan Steve, lequel fait déjà des ravages.

-- Quelle drôle d'idée de donner des noms aux ouragans! se dit Sacha en appuyant son front au carreau froid de la fenêtre.

Il se dirige vers le téléphone et compose le numéro de Cyrus.

-- Sacha! Tu es à l'abri? demande le savant. La tempête menace. Je viens tout juste de rentrer.

-- Moi aussi, répond Sacha. Je me balançais lorsque le vent s'est mis à souffler trop fort.

-- Tu as bien fait de rentrer. Tu voulais me demander quelque chose?

-- Dites-moi, Cyrus, pourquoi baptise-t-on les ouragans?

-- Cette coutume remonte à la Deuxième Guerre mondiale.

-- Ça fait très longtemps alors! s'exclame le gamin.

Cyrus éclate de rire.

-- Le temps est relatif, Sacha. Pour moi, l'époque de la Deuxième Guerre mondiale n'est pas si lointaine.

-- Ah bon, vous êtes si vieux?

-- C'est toi qui es encore très jeune, Sacha. À cette époque, donc, deux ouragans se sont formés en même temps. C'était difficile de les différencier et de suivre leur développement. Toi, tu me suis?

-- Oui, Cyrus.

-- Or, il est très important de suivre le développement des ouragans si l'on veut réduire les dégâts et prévenir les habitants de leur passage.

-- Oui, la radio nous tient au courant d'heure en heure de la position de Steve, remarque le garçon.

-- Tu vois. En donnant des noms aux ouragans, il est facile de les suivre. En baptisant les deux ouragans au cours de la Deuxième Guerre, les météorologues ont aussi pu éviter la confusion.

-- C'était une bonne idée, admet Sacha. Mais pourquoi on l'appelle Steve?

-- On donne toujours des prénoms humains aux ouragans.

-- Hum, songe Sacha. Comme les ouragans n'ont pas de parents, qui choisit le nom qu'on leur donne?

-- Les météorologues leur servent en quelque sorte de parrains, rétorque Cyrus en éclatant d'un grand rire sonore. Chaque année, une association de météorologues se réunit et établit une liste de noms: ces derniers se suivent par ordre alphabétique, et on alterne un prénom féminin avec un prénom masculin.

-- Comme ça, pas de dispute possible!

-- On reprend les prénoms à tous les cinq ans, sauf quand les ouragans ont causé d'immenses dommages. Ainsi, les prénoms de David et de Hugo ne seront plus jamais donnés à un ouragan.

Sacha regarde à l'extérieur, où le vent souffle de plus en plus violemment. Avant de raccrocher, il demande à Cyrus:

-- Croyez-vous que Steve sera de nouveau utilisé comme prénom d'ouragan?

-- Espérons que oui, soupire Cyrus, les yeux braqués sur le ciel.

Soudain la communication est coupée... Seul demeure le bip... bip... bip... inquiétant.